PAUL IN KORNGOLD'S 'DIE TOTE STADT'

C’est une forte mais audacieuse idée de donner Die Tote Stadt (La Ville morte) sans entracte, 2 heures 20 d’une continuité souvent paroxystique : il faut seulement que Paul, protagoniste ténor, constamment dans une tessiture crucifiante, s’y prête. Le jeune américain Michael Hendrick le fait, capable encore d’une ligne piano qui tire des larmes à la reprise finale, comme remémorée dedans, du lied Glück das mir verblieb. Et cela paye, dramatiquement, de façon totale, car le dispositif imaginé pour Philipp Himmelmann metteur en scène, à étage et casiers, permet justement dans sa continuité le jeu d’apparitions, de leurres plus exactement, de faux contacts (et donc malentendus) qui fait toute l’intrigue de cet opéra à fantasmes et fantasmagories ici donné avec une évidence scénique, une palpabilité qu’on n’a pas connues ailleurs.
Ce ne serait pas possible sans l’aisance physique stupéfiante de Marietta (Marie), danseuse selon le livret et à qui Helena Juntunen (ci-contre) — outre la tessiture, pour elle aussi crucifiante — prête une plastique saisissante. Ni l’orchestre mené par Daniel Klajner ni la pure luxuriance vocale des chanteurs ne peut entrer en concurrence avec les toutes récentes représentations de l’Opéra Bastille, la performance de Pinchas Steinberg restant intouchable. Mais dramatiquement, scéniquement, dans sa plausibilité contraignante à en couper le souffle, son efficacité, cette Tote Stadt de Nancy est simplement exemplaire.
Nancy, le 9 mai 2010.